La Turquie franchit une nouvelle étape dans la transition vers le Système d'Échange de Quotas d'Émission (ETS) : le projet de règlement ETS est publié
- Goldstein Carbon
- 30 juil.
- 10 min de lecture

À la suite de l’adoption de la Loi sur le Climat au Journal Officiel en juillet 2025, le premier projet de règlement concernant l’ETS a été présenté au public. Ce projet contient des dispositions détaillées sur la surveillance, la déclaration et la vérification (MRV) des émissions.
La Turquie poursuit le développement du cadre réglementaire visant à contrôler les émissions de gaz à effet de serre et à mettre en œuvre un Système d'Échange de Quotas d'Émission (ETS). Après la publication de la Loi sur le Climat au Journal Officiel, le premier projet de règlement définissant les détails et le cadre technique de l’ETS a été rendu public.
Le projet établit les principes et procédures relatifs aux processus de surveillance, déclaration et vérification (MRV), tout en définissant comment les émissions de gaz à effet de serre provenant des activités couvertes par l’ETS doivent être gérées. Il précise également les obligations des organismes de vérification et des exploitants, en définissant clairement les compétences et responsabilités des personnes physiques et morales impliquées dans ce processus.
Ce projet de règlement est considéré comme une étape clé dans la mise en place de l’infrastructure ETS de la Turquie. Une approche ouverte à la participation publique a également été adoptée. Les avis et objections relatifs au projet peuvent être soumis aux autorités concernées jusqu’au 4 août 2025.
Dans cet article de blog, Goldstein Carbon propose une analyse approfondie des principales dispositions et titres réglementaires du projet, qui sont d’une importance cruciale pour l’application et la conformité.
Table des matières:
Activités couvertes par le Système d'Échange de Quotas d'Émission (ETS) et catégorisation des installations
Dans le cadre du règlement, les installations sont classées en trois grandes catégories selon leurs émissions de gaz à effet de serre annuelles, calculées de manière prudente sur la base de leur capacité installée :
Installation de Catégorie A : installation émettant un maximum de 50 000 tonnes de CO₂ (équivalent)
Installation de Catégorie B : installation émettant entre 50 000 et 500 000 tonnes de CO₂ (équivalent)
Installation de Catégorie C : installation émettant plus de 500 000 tonnes de CO₂ (équivalent)
REMARQUE : Pour toutes les catégories, les émissions annuelles sont basées sur des estimations prudentes selon la capacité installée, en excluant le CO₂ issu de la biomasse et en incluant le CO₂ transféré.
La législation concerne principalement les installations de catégories B et C, en ciblant directement les secteurs à forte intensité carbone tels que la production d'énergie, la sidérurgie, l'aluminium, le ciment, l'industrie chimique et l'industrie papetière.
Des gaz à effet de serre spécifiques sont définis pour chaque secteur et type d'activité, et les obligations associées sont décrites en détail. Le permis d’émission de gaz à effet de serre est délivré pour une durée de cinq ans et doit être renouvelé en conséquence.

Plafond ETS et mécanisme d’allocation
Dans le cadre du Système d’Échange de Quotas d’Émission (ETS), le plafond sera déterminé selon une approche fondée sur l’intensité des émissions. Les quotas attribués dans cette limite seront émis via le Registre des Transactions et pourront être soit vendus sur le marché primaire, soit distribués gratuitement. Les entreprises seront tenues de remettre, via le Registre, une quantité de quotas équivalente aux émissions vérifiées documentées par leurs rapports vérifiés d’émissions de gaz à effet de serre, et ce au plus tard le dernier jour ouvrable de novembre de chaque année de conformité.
Les quotas à émettre dans le cadre du plafond d’émission seront enregistrés via le Registre et pourront faire l’objet d’échanges sur le marché primaire ou être alloués gratuitement. Les modalités d’application de ce processus seront précisées par des réglementations secondaires publiées par l’Autorité de Régulation du Marché de l’Énergie (EPDK).
Dans le cadre de la distribution gratuite des quotas, une méthode de comparaison fondée sur les sous-installations des sites sera appliquée. Le nombre d’installations inclus dans le calcul de la valeur de référence, le coefficient d’activité sectoriel ainsi que le taux d’allocation gratuite seront déterminés par le Conseil du Marché Carbone sur recommandation de la Présidence.
Les exploitants devront diviser leurs installations en sous-unités selon une comparaison par produit, chaleur mesurable, type de combustible ou procédé de production. Les données annuelles d’émissions vérifiées seront enregistrées à ce niveau et constitueront la base des calculs de référence.
Les valeurs de référence par sous-installation seront publiées par la Présidence au plus tard le dernier jour ouvrable de novembre de l’année précédant le début de chaque période d’application. Cette approche est essentielle pour garantir la transparence, la prévisibilité et une concurrence équitable entre les secteurs.
Exemple - Installation de production chimique couverte par le système ETS
Supposons qu’il s’agisse d’une installation qui émet en moyenne 800 000 tonnes de CO₂ (équivalent) par an et qui produit 300 000 tonnes par an du Composant Chimique X, ce qui la place directement dans le champ d’application de l’ETS. Dans ce cas, l’installation entre dans la Catégorie C, car ses émissions annuelles dépassent 500 000 tonnes de CO₂ (équivalent). Elle est donc tenue d’obtenir un permis d’émission de gaz à effet de serre et de le renouveler tous les 5 ans.
Dans la limite du plafond national des émissions fixé par le Conseil du Marché Carbone, un certain quota est attribué à cette installation. Cette allocation peut être réalisée par :
Allocation gratuite (par exemple pour préserver la compétitivité sectorielle)
Vente sur le marché primaire (achat via le Registre des Transactions)
L’installation peut être divisée en sous-composants en fonction du type d’activité :
Unité de Réacteur - Benchmarking par produit (Product Benchmarking)
Système de production de vapeur - Benchmarking thermique (Heat Benchmarking)
Système de combustion au gaz naturel - Benchmarking des combustibles (Fuel Benchmarking)
(Il est supposé que les besoins en électricité de l’installation sont couverts par des sources d’énergie renouvelables.)
Pour chaque sous-installation, l’allocation gratuite est calculée sur la base des valeurs de référence sectorielles d’efficacité (benchmarks). Des exemples de calcul sont présentés ci-dessous :
Unité de Réacteur (Benchmarking par produit) :
Benchmark sectoriel : 1,6 tonne de CO₂ / tonne du Composant Chimique X
300 000 tonnes × 1,6 = 480 000 tonnes de CO₂ allouées
Production de vapeur (Benchmarking thermique) :
L’installation produit 1 500 000 GJ de vapeur par an
1 500 000 × 0,070 = 105 000 tonnes de CO₂ allouées
Utilisation de carburant (Benchmarking des combustibles) :
Énergie fournie par le gaz naturel : 300 000 GJ
300 000 × 0,050 = 15 000 tonnes de CO₂ allouées
Allocation totale basée sur les valeurs de référence : 600 000 tonnes de CO₂
Émissions moyennes annuelles totales : 800 000 tonnes de CO₂
L’installation présente un déficit d’émissions de 200 000 tonnes de CO₂ sur une base annuelle. Ce déficit doit être comblé par :
L’achat d’unités d’émission sur le marché primaire ou secondaire ou
La compensation via des crédits carbone (offset) sur le marché carbone (jusqu’à 10 % de l’obligation totale à partir de 2028)
Alternativement, par le développement de projets d’efficacité énergétique et de réduction des émissions
REMARQUE : Toutes les données, définitions d’installation, volumes de production, valeurs d’émissions, coefficients de référence et calculs contenus dans cet exemple sont fournis à des fins d’illustration uniquement. Ce scénario n’est pas directement lié à une installation réelle, à un secteur d’activité ou à une autorité réglementaire spécifique. Il a été conçu dans le seul but d’expliquer les mécanismes d’allocation dans le cadre du Système d’Échange de Quotas d’Émission (ETS), les méthodes de calcul basées sur des benchmarks, ainsi que les concepts généraux du fonctionnement du marché du carbone. Toute application réelle doit se fonder sur la législation nationale en vigueur, les décisions du Conseil du Marché Carbone, les vérifications spécifiques à chaque installation et les guides officiels des autorités compétentes.
Principes relatifs à la remise des quotas et à l'utilisation de la réserve complémentaire
En cas de non-respect des obligations par les exploitants, des sanctions administratives sont appliquées et le déficit de quotas est reporté sur l’obligation de l’année suivante. La réserve complémentaire ne peut être utilisée que dans des conditions spécifiques, et son prix est fixé à 50 % au-dessus des prix du marché primaire et secondaire.
Les ventes de quotas sont réalisées sur le marché primaire selon un calendrier d’enchères, tandis que le marché secondaire fonctionne en continu. Ces structures visent à garantir la stabilité des prix et la liquidité.
Mécanismes de stabilité des prix
Réserve de stabilité du marché (MSR) : Créée pour atténuer la volatilité des prix. La Présidence peut transférer directement une partie des quotas destinés au marché primaire vers cette réserve à intervalles réguliers.
Mécanisme de flexibilité du marché : Le système intègre des pratiques flexibles telles que le banking (utilisation future des quotas non utilisés les années précédentes) et le borrowing (utilisation anticipée des quotas des années suivantes).
Utilisation des crédits carbone dans le cadre de l’ETS : Mécanisme de compensation
Les crédits carbone générés par des projets développés sur le territoire turc pourront être utilisés pour jusqu’à 10 % des obligations annuelles de remise des quotas des installations couvertes par l’ETS. Les modalités d’utilisation de ces crédits seront définies dans des réglementations secondaires à publier par la Présidence, mais cela peut être illustré par l’exemple suivant : une entreprise ayant une obligation de remise de 200 000 tCO₂e pourra en couvrir 20 000 tCO₂e à l’aide de crédits carbone générés sur le marché volontaire. Ces crédits peuvent provenir de projets locaux d’énergies renouvelables, de mesures d’efficacité énergétique, etc. Ainsi, le marché domestique du carbone se développe et les entreprises peuvent remplir leurs obligations de manière plus rentable.
Sanctions et amendes
Dans le cadre de la Loi sur le Climat (Loi n° 7552), des sanctions administratives et des amendes sont prévues pour les installations ne respectant pas leurs obligations en matière de surveillance, de déclaration et de vérification des émissions de gaz à effet de serre. Dans ce contexte, la classification de l’installation (A, B, C), son niveau d’émission et son inclusion ou non dans le Système d’Échange de Quotas d’Émission (ETS) sont des critères déterminants pour l’application des sanctions.
Conformément à l’article 14 de la loi, les amendes administratives pour les exploitants ne soumettant pas leur rapport d’émissions vérifiées dans les délais sont les suivantes :
Pour les installations de Catégorie A, le montant de l’amende est fixé à 500 000 TRY
Pour les installations de Catégorie B, deux sous-catégories sont définies selon le volume d’émissions :
Émissions comprises entre 50 000 et 250 000 tonnes de CO₂e : 1 000 000 TRY
Émissions comprises entre 250 000 et 500 000 tonnes de CO₂e : 2 000 000 TRY
Pour les installations de Catégorie C, les amendes sont plus élevées et également réparties en deux tranches :
Émissions comprises entre 500 000 et 2 000 000 tonnes de CO₂e : 3 500 000 TRY
Émissions dépassant 2 000 000 tonnes de CO₂e : 5 000 000 TRY
En outre, pour les exploitants couverts par le Système d’Échange de Quotas d’Émission, les amendes administratives sont automatiquement doublées par rapport aux montants mentionnés ci-dessus. Cette majoration reflète la gravité des obligations légales imposées dans le cadre de l’ETS et souligne sa priorité réglementaire.
Par exemple, une installation de Catégorie B émettant 300 000 tonnes de CO₂e par an, couverte par l’ETS et n’ayant pas soumis son rapport d’émissions vérifiées dans les délais, se verra infliger une amende de 4 000 000 TRY au lieu de 2 000 000 TRY.
Périodes de mise en œuvre de l’ETS : Période pilote (2026–2027) et Première période d’application (2028–2035)
Le Système d’Échange de Quotas d’Émission (ETS) national de la Turquie est structuré selon une stratégie de transition progressive et d’adaptation du système, adoptant un modèle de mise en œuvre en deux phases : Période pilote (2026–2027) et Première période d’application (2028–2035).
Période pilote (2026–2027)
Objectif et conception du processus : la période pilote est prévue pour tester le cadre institutionnel de l’ETS, améliorer la qualité des données sectorielles et observer la performance de l’infrastructure du marché du carbone. Seules les installations de Catégorie B et C sont couvertes par cette phase. Toutefois, les installations qui passent en Catégorie A pendant la période pilote doivent continuer à respecter leurs obligations ETS jusqu’à la fin de ladite période.
Activités couvertes (par secteur et par technologie) :
Production d’électricité par combustion de carburant dans des installations de 20 MW ou plus (hors déchets ménagers/dangereux)
Production de coke
Grillage, frittage et pelletisation de minerais métalliques (secteurs de l’acier et de l’aluminium)
Production et coulée de fer, d’acier et d’alliages (≥ 2,5 tonnes/heure)
Transformation de métaux ferreux avec unités de combustion supérieures à 20 MW
Production d’aluminium primaire et d’alumine
Production d’aluminium secondaire (unités supérieures à 20 MW)
Production d’autres métaux non ferreux (limité à l’acier et à l’aluminium)
Production de clinker dans des fours rotatifs de plus de 500 tonnes/jour
Production d’ammoniac et d’acide nitrique
Principe d’allocation : pendant cette phase, une allocation gratuite à 100 % sera appliquée à toutes les activités soumises à obligation. Cette approche vise à réduire la charge financière des secteurs pendant leur période d’adaptation aux coûts carbone. La Présidence pourra également accorder des allocations anticipées, créditées dans le Registre des Transactions (İKS) et déduites du quota gratuit de l’année concernée. Cette méthode permet aux entreprises de bénéficier d’un avantage temporel pour la planification financière et la gestion de leurs obligations.
Contraintes importantes :
L’utilisation des crédits carbone (compensation) ne sera pas autorisée pendant cette période.
Les quotas de la période pilote ne peuvent être utilisés que pour remplir les obligations propres à cette période.
Les transactions de marché se poursuivront jusqu’au 30 avril 2029 ; après cette date, les quotas deviendront invalides.
Les entreprises n’ayant pas rempli leurs obligations d’ici cette date verront leurs obligations transférées à la première année de la première période d’application (Loi n° 7552, art. 9/5).
Les amendes administratives appliquées pendant cette période bénéficieront d’une réduction de 80 %.
Première période d’application (2028–2035) : Mise en œuvre complète du système ETS
La première période d’application commence avec les émissions de l’année 2028 et se termine avec celles de 2035. Elle couvre les installations de Catégorie B et C. La structure des sous-périodes est la suivante :
Première sous-période : 2028–2030
Deuxième sous-période : 2031–2035
Pour la première sous-période, les valeurs de référence annuelles seront publiées dans le Plan National d’Allocation, après la remise des rapports de vérification.
Pour la deuxième sous-période, une seule valeur de référence sera définie et publiée au plus tard le dernier jour ouvrable de novembre précédant le début de ladite période.
Conclusion
La publication du projet de règlement du Système d'Échange de Quotas d'Émission (ETS) de la Turquie marque le début d'une nouvelle ère, caractérisée par d'importantes obligations techniques et administratives, en particulier pour les installations à fortes émissions des catégories B et C. Dans ce contexte, les entreprises doivent se préparer stratégiquement, non seulement pour se conformer à la réglementation, mais aussi en matière de finance carbone, de compétitivité et de durabilité.
Les installations doivent effectuer leur classification ETS (A, B, C) en fonction de leur capacité installée et de leur volume annuel d’émissions de gaz à effet de serre, identifier les activités couvertes et déterminer les obligations qui leur incombent dans le cadre du système.
Le règlement autorise l’utilisation de crédits carbone domestiques jusqu’à hauteur de 10 % des obligations ETS. Ainsi, il est essentiel d’évaluer de manière stratégique les investissements dans les projets du marché volontaire, les accords d’achat anticipé ou à long terme, et de constituer un portefeuille de compensation externe axé sur la rentabilité.
Cliquez ici pour lire l’intégralité de la Loi sur le Climat.
Cliquez ici pour lire l’intégralité du projet de règlement ETS.
Chez Goldstein Carbon, nous accordons la priorité à l’accompagnement des entreprises dans cette phase de transition, à la diffusion des connaissances et à une compréhension claire des processus. Pour toute question relative aux obligations ETS, aux stratégies de marché carbone ou à l’utilisation efficace des crédits carbone volontaires, n’hésitez pas à nous contacter – notre équipe d’experts est à votre disposition.
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